Les sanatoria

La tuberculose concernait au XIXe siècle une proportion très importante de la population dont seule une fraction, plus faible et moins susceptible de lutter contre l’infection, développait effectivement la maladie.

 

La Suisse et les États-Unis découvrent dès 1880 les bienfaits des sanatoria et c’est en 1880 qu’est construit en France le 1er sanatorium à Vernet-les-Bains (Pyrénées orientales). Mais déjà avant cette date, Jean-François Dumarest (1808-1890), médecin à Hauteville de 1836 à 1882, était convaincu que le Plateau d’Hauteville-Brénod "en raison de sa configuration montagneuse, de sa sécheresse, de son sol calcaire, de sa ceinture forestière, de la vivacité de son air, de sa ventilation, réunissait des conditions climatiques exceptionnellement favorables au traitement des affections pulmonaires".

 

Mangini et l'essor d'Hauteville

En 1896, Frédéric Dumarest, collègue d’internat de Léon Bérard, publie un article où il évoque la création d’un sanatorium à Hauteville, où son père était médecin. Il rencontre Hermann Sabran, Président du Conseil d'Administration des Hospices Civils de Lyon, pour lui faire part de son projet. Celui-ci l'oriente alors vers Félix Mangini, lequel, tout comme Hermann Sabran, avait été durement touché par le décès de sa fille, morte de tuberculose.

 

Si les, Gillet [industriel et fondateur du quartier de Villeurbanne], Berliet, Brossette [propriétaire, en 1912, du château de Champdor], Mérieux, Lumière ont marqués l’histoire de Lyon, ils ont aussi marqué, par leur engagement, le paysage social et médical. Brossette, Gillet, Aynard et Mangini, administrateurs du Dispensaire Général de Lyon [qui deviendra la Charité], initient par exemple, la construction des tous premiers logements sociaux ; C’est grâce à l’amitié d’Auguste Lumière, qui a décidé de se consacrer exclusivement à soulager la souffrance après le décès de sa fille, que Léon Bérard, gendre de Félix Mangini, va pouvoir créer le centre anticancéreux du même nom.

 

Félix Mangini va utiliser tous ses moyens techniques et financiers, tout son réseau d'influences, en commençant par fonder "l'œuvre lyonnaise des tuberculeux indigents", association sans but lucratif qui gérera le centre. Son conseil d'administration comprend alors : Auguste Lumière, Hermann Sabran, Félix Mangini. La direction scientifique est assurée par Saturnin Arloing. Cette association va construire en trois ans, sur les conseils du Docteur Dumarest, le premier "sanatorium français pour indigent se situant en climat de montagne".

  

Les sanatoria, souvent très vastes étaient conçus de manière à y faciliter l'hygiène : c’était avant tout des lieux de repos. Sur la base de ces observations,Frédéric Dumarest, met notamment en application quelques prescriptions de base : "les façades occupées par les chambres des malades doivent être exposées au sud ou sud-ouest. Le long de ces façades, devront courir des marquises ou vérandas, où les malades sédentaires, étendus sur des chaises longues, pourront être soumis à la cure d’air au repos."

 

Trois établissements sont réalisés les années suivantes, sous la forme de palaces hôteliers conséquents : Bellecombe en 1904, Belligneux en 1912 et après la Guerre de 14-18, le Grand-Hôtel (l'actuel "Albarine") sanatorium de luxe. Le succès est considérable : les malades arrivent de toute l'Europe attirés par la renommée de la station et de son fondateur, entraînant ainsi le développement économique de tout le plateau avec la construction d’autres établissements, la transformation de maisons familiales en pension, l’implantation de 6 médecins. C’est au total, près de 300 malades, sur les communes d'Hauteville et de Lompnes.

 

Dans les sanatoria, où les malades sont astreints à l’isolement de leur communauté familiale et professionnelle durant de longs mois, se développe une vie collective spécifique, au sein d’une société qui découpe l’espace et le temps selon des modalités particulières, qui possède sa propre échelle de valeurs, son code, sa mythologie.

 

Régression de la tuberculose et reconversion

Dans ce paysage, le château d'Angeville (Lompnes) tient une place à part, ancienne propriété des Ducs de Savoie, il est acquis par un hôtelier de Vichy, réquisitionné pendant la Première Guerre, transformé en sanatorium de 30 lits, destiné à l'origine et par la Croix Rouge, en 1916, aux militaires.

 

Dans la première partie du XXe siècle, deux grandes avancées dans la lutte contre la tuberculose sont réalisées. Les années 1920 voient naître le premier vaccin contre cette maladie, le BCG ; l’année 1943, la découverte du premier antibiotique efficace contre la bactérie de la tuberculose : la streptomycine.

 

Entre 1950 et 1963, un effort considérable est déployé pour lutter contre la tuberculose. La science progresse. Dans un premier temps, cure, antibiotiques et chirurgie thoracique se combinent pour soigner les tuberculeux. Mais depuis 1920, on sait que le nombre de malades va diminuer. Dans les années 70, les sanatoria d'Hauteville-Lompnes se résignent à entamer leur reconversion.

 

Le premier à s’engager dans ce processus est le Château d’Angeville qui deviendra un centre de réadaptation fonctionnel. Le Dr Henri Serre, médecin de l’établissement, débute une formation de médecin en médecine physique et vertébrothérapie ; les malades tuberculeux sont, peu à peu, remplacés par des personnes porteuses de prothèse de hanche, puis de prothèse de genoux ; petit à petit, les employés, pour la plupart d’anciens malades de la tuberculose, cèdent la place à un personnel diplômé et formé à d’autres techniques de soin. La reconversion d’Angeville en centre de Réadaptation fonctionnel se terminera en 1973.

 

Les autres établissements suivront. Le centre médical Mangini fera cohabiter jusqu’en 1999, un service de pneumo-phtisiologie de 73 lits et un service pour le traitement et la rééducation des artériopathies de 71 lits, puis deviendra un centre de rééducation et de réadaptation fonctionnel, neurologique et vasculaire à part entière.

 

Depuis 1900 et la création de son premier sanatorium, Hauteville s’est spécialisée dans les activités de soins, passant de la lutte contre la tuberculose, aux activités de la convalescence et de la rééducation. Aujourd’hui, une seconde reconversion des activités est en cours. Petit à petit une activité médico-sociale se substitue à l'activité médicale. Les soins ciblés concernent, cette fois-ci, les personnes âgées, personnes handicapées et les soins de suite d’excellence.

 

Vie et mort du sanatorium de Bellecombe

Sanatorium de Bellecombe (photo de Guy Domain paru dans le quotidien "Le Progrès" du 3 déc. 2022)
Sanatorium de Bellecombe (photo de Guy Domain paru dans le quotidien "Le Progrès" du 3 déc. 2022)

Lors de sa construction, en 1903, le sanatorium de Bellecombe était destiné aux plus aisés et pouvait accueillir 25 malades. En 1927, Bellecombe devient sanatorium départemental de l'Ain et de la Savoie, permettant aux tuberculeux curables, admis à l’Assistance médicale gratuite, d’être hospitalisés en sanatorium sans une hausse des contraintes financières.

 

L'établissement est dirigé successivement par les Drs Crépin, Farjon...Barrau. Son architecture est modifiée par l’ajout d'un étage lui permettant d’augmenter sa capacité d'accueil jusqu'à 60 patients. À partir de l'année 1975, Bellecombe entame sa reconversion en centre de pneumologie. En l'an 2000, Bellecombe, l'Albarine et l'Interdépartemental, trois établissement publics, sont placés sous une seule direction et les patients transférés au Centre hospitalier de l'Albarine.

 

Durant vingt ans, devenu une friche hospitalière, ce bâtiment va marquer l'entrée sud de la localité d'Hauteville qui s'en portera acquéreur pour 1 € symbolique afin de voir émerger un projet de la gendarmerie nationale : la construction d'un édifice qui accueillera la future brigade de montagne.  

 

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